Faut-il quitter Twitter ?

Eliott Siegler, Président d’AmazingContent

Depuis février, le scandale de “La Ligue du LOL” sévit. Après #MeToo, où les réseaux sociaux étaient un lieu de dénonciation, ils deviennent le lieu du crime.

Entre 2009 et 2013, une trentaine de journalistes parisiens influents sur les réseaux, réunis dans un groupe Facebook, auraient employé leur notoriété pour harceler. Leur cible ? Principalement des femmes, toutes influentes sur les réseaux sociaux qui communiquent régulièrement pour prôner l’égalité (homme-femme, orientation sexuelle, etc.).

Leurs harcèlements prenaient la forme de “raids numériques, de dénigrements, de montages photo, d’usurpations d’identité” (Mélanie Wanga, cofondatrice du podcast Le Tchip sur Binge Audio). Leur méthode était d’utiliser le rire entre eux pour exclure ceux dont ils ne reconnaissaient pas la légitimité.

S’ils ont un point commun avec leurs victimes, c’est que tous sont influents dans leur domaine sur Twitter. Alors, que faut-il en tirer ? Est-ce la sonnette d’alarme qui annonce l’urgence de se retirer des réseaux sociaux ? Ou, au contraire, l’appel à la vigilance pour bannir ce genre de comportement et ne tirer que le meilleur des réseaux sociaux ?

Twitter est une plateforme de communication privilégiée pour donner un nouveau souffle aux relations professionnelles, rapprocher consommateurs et vendeurs et renforcer la proximité et la transparence. Alors, pas question de fuir les réseaux sociaux d’un point de vue professionnel, au contraire. Il est cependant certain qu’il reste du travail pour calibrer et encadrer ces possibles débordements.

Quand l’influence devient un fléau

 A l’heure de l’affaire #MeToo, les réseaux sociaux étaient le moteur de la dénonciation, un vecteur de force pour toutes les victimes. Aujourd’hui, avec la ligue du LOL, la plateforme sociale devient un fléau, un lieu de débordement. Hier, les personnes influentes mettaient leur notoriété au service de la justice, aujourd’hui il semblerait qu’elles en jouent pour harceler.

L’ensemble des victimes étaient influentes sur les réseaux sociaux. Parmi elles, de nombreuses femmes féministes qui mettaient en lumière les discriminations et inégalités subies quotidiennement pour participer à la prise de conscience féministe.

Leur notoriété digitale a fait de ces personnes des cibles faciles, de quoi décourager la liberté d’expression.

Les membres de La Ligue du LOL, opposés à leur discours, ont profité de leur notoriété pour harceler. Les victimes, comme bien souvent, ont alors fait le choix du silence face à des personnalités influentes qu’elles ne s’estimaient pas à la hauteur de combattre.

Le triste résultat de cette affaire et que l’influence digitale a montré son côté obscure. Jusqu’à lors on ne connaissait que les réseaux sociaux comme une plateforme d’ouverture où les victimes se sentent libres de dénoncer. L’exemple de #MeToo est relativement frais dans nos mémoires, mais les réseaux sociaux sont au coeur de nombreux autres conflits comme au Moyen Orient où des influenceurs Kurdes prenaient la parole sur la scène digitale ou encore dans l’affaire des prêtres du Vatican. Il semblerait aujourd’hui que la notoriété digitale justifie, à tord, certains abus.

Bon ou mauvais, les réseaux sociaux en débat

Ce qui a également facilité les attaques de la ligue du LOL c’est le silence des victimes.

Comme bien souvent, c’est avant tout la loi du silence contre son agresseur qui l’emporte. Bien que les victimes soient des personnages influents sur les réseaux sociaux, il leur a fallu 10 ans pour dénoncer. 10 ans de silence, 10 ans de souffrance en toute impunité.

Et pourtant, forte de leur notoriété, elles auraient pu s’estimer légitime de répondre et mettre en lumière ces agissements. Mais, sur les réseaux sociaux comme ailleurs, une personne harcelée ne ressent aucune légitimité pour se défendre, pour dénoncer, pour appeler à l’aide.

Les membres de la Ligue du LOL ont profité de leur anonymat en ligne, et de leur notoriété professionnelle pour se permettre de tels agissement.

Le gouvernement aborde donc le débat : doit-on mettre fin à l’anonymat sur les réseaux sociaux ? Emmanuel Macron et Edouard Philippe souhaitent avancer dans cette direction considérant, que “l’anonymat sur les réseaux sociaux encourage un sentiment d’impunité pour ceux qui s’autorisent à harceler, humilier et insulter.”. Mais cela reste très flou. Est-ce réellement possible de mettre fin à l’anonymat ? Cela sonne mission impossible de contrôler l’identité sur les réseaux sociaux.

De plus, mettre fin à l’anonymat n’est pas forcément la bonne solution car il existe également de nombreux avantages. Que ce soit les victimes qui dénoncent, ceux qui jouent sur l’anonymat pour segmenter vie professionnelle et personnelle ou ceux qui jouissent d’une notoriété depuis qu’ils ont changé de nom en ligne, l’anonymat est un véritable moteur à la liberté d’expression et au droit à la vie privée que l’on doit protéger.

L’usage professionnel des réseaux sociaux, une promesse formidablE

Quand on voit des professionnels renommés s’adonner à du harcelement sur les réseaux sociaux, ça remet nettement en question l’engouement pour ce nouveau mode de communication.

Et pourtant, je reste persuadé que les réseaux sociaux sont une plateforme prometteuse que tout professionnel doit s’accaparer.

Ce sont des canaux de communication mais, au delà de ça, des canaux de conversation uniques qui réinventent la relation client. C’est la chance de créer une proximité avec les clients mais également les collaborateurs.

L’affaire de la ligue du LOL montre que nous n’avons pas encore trouvé les bons ajustements de l’usage de ces réseaux qui sont encore la proie de débordements. Mais ils restent une promesse formidable. Ils favorisent les échanges et la création de conversation pour un suivi plus personnalisé et plus transparent. Ils permettent de recueillir les feedbacks et critiques des consommateurs et partenaires pour continuellement améliorer son offre. Le plafond de verre entre clientèle et direction s’estompe petit à petit : c’est ça l’avenir de la relation client, et il est porté par les réseaux sociaux.

Il y a donc encore du chemin à parcourir pour encadrer l’utilisation des réseaux sociaux à titre professionnel mais c’est un vivier prometteur, l’opportunité de repenser la comm interne et externe, pas question de passer à côté !

Eliott Siegler, Président d’AmazingContent.

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