Incarner la RSE pour lui rendre son crédit : l’exemple de Emmanuel Faber, le sain patron.

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« Un projet ne peut pas seulement figurer sur des présentations; c’est au dirigeant de l’incarner et de le partager. »

Emmanuel Faber

Présidée depuis sa création par des hommes dont la vision sociale de l’entreprise est de notoriété publique, Danone n’a jamais eu de service RSE. Intégrée directement à chaque projet et même incluse dans le bonus de ses dirigeants, la responsabilité sociétale est profondément ancrée dans la culture du leader mondial de l’agro-alimentaire.

Pourtant, son statut de multinationale membre du CAC40, associé à des scandales très médiatisés et des suspicions de lobbyisme et de corruption, attache au groupe l’image d’une grosse machine au service du profit qui amoindrit considérablement son rayonnement en tant qu’entreprise responsable. Jusqu’en 2017.

Cette année-là, Danone fait peau neuve : nouvelle stratégie, nouveau logo, nouvelle signature et surtout nouveau PDG. Emmanuel Faber, leader éclairé et connecté, redonne un visage humain au groupe à travers une communication personnelle engagée, authentique et sans intermédiaire.
Résultat, deux ans après sa nomination, Danone apparaît comme exemple et moteur de la transformation positive en France, son président en tête de proue.

Danone : historiquement engagée, régulièrement décriée

Systématiquement en tête du classement des marques préférées des Français et conservant une place sur le podium des entreprises avec la meilleure réputation du CAC40 depuis le début des années 2010, Danone est régulièrement récompensée pour ses campagnes de communication, son avancée en termes de digitalisation, sa marque employeur et ses engagements RSE.

Il faut dire que le leader mondial de l’industrie alimentaire est historiquement très engagé. Dès 1972, son fondateur, Antoine Riboud, prononce devant 2000 dirigeants réunis aux Assises du Patronat un discours en faveur d’une croissance plus responsable. Un discours annonciateur de l’engagement sociétal du groupe et considéré aujourd’hui comme précurseur du développement durable.

Extrait du discours de Antoine Riboud aux Assises du Patronat en 1972

En 1996, Franck Riboud prend la succession de son père à la présidence du groupe. Il définit alors une mission pour son entreprise qui sonne déjà comme une raison d’être : “Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre”. Une mission qu’il traduit d’ailleurs rapidement en action.

En 2005, par exemple, Franck Riboud rencontre Muhammad Yunus (économiste, fondateur de la première institution de microcrédit et prix nobel de la paix). Ensemble, ils fondent au Bengladesh la Gramen-Danone Foods, un premier projet de social business porté par le Directeur Général de la zone Asie-Pacifique de l’époque… Un certain Emmanuel Faber. De cette coentreprise naîtra en 2007 Danone Communities, une Sicav solidaire dont l’objectif est de multiplier les actions locales afin de remédier à la malnutrition et au manque d’eau potable.

Mais en termes d’engagement sociétal, Danone n’en reste pas là. Environnement, pauvreté, place de la femme, handicap… Le groupe est quasiment de tous les combats et le fait savoir. Pionnier de la communication digitale et plus particulièrement sur l’utilisation des réseaux sociaux, il multiplie les canaux pour communiquer sur le développement durable et l’inclusion sociale, à l’image de Danone Down to Earth, un compte Twitter créé dès 2009, entièrement dédié à ces sujets.

Mais malgré toutes ces bonnes intentions, Danone ne parvient pas à convaincre le public de la sincérité de ses engagements. Accusé de ne pas payer d’impôts en France, pointé du doigt pour ses écarts de salaires entre salariés et dirigeants par les médias les plus à gauche, récompensé du “Prix de l’exploitation” par Génération Précaire en 2010 et touché par plusieurs affaires de corruption, notamment en Chine, Danone souffre d’une image de grosse machine à fric qui impacte grandement la crédibilité de ses engagements RSE.

Sur Twitter par exemple, entre 2010 et 2013, seules 25% des publications relatives à l’environnement, à la santé ou aux grandes causes sociétales (égalité homme/femme, pauvreté, handicap, etc.) saluent les actions de la marque alors que 45% pointent du doigt ses travers.

Emmanuel Faber : de l’homme de l’ombre au leader éclairé

Depuis son arrivée chez Danone au poste de Directeur Finances, Stratégie et Systèmes d’Information en 1997, après plus de dix ans d’expérience dans le management et la finance, Emmanuel Faber gravit rapidement les échelons au sein du groupe. Membre du COMEX dès 2000 en tant que Directeur Financier, il devient Directeur Général Délégué responsable des grandes fonctions corporates en 2008 et Vice Président du Conseil de la société en 2011.

Malgré cette ascension, son nom n’apparaît quasiment que dans la presse financière et reste relativement inconnu des médias jusqu’en 2010. Cette année-là, des désaccords stratégiques l’opposent à Bernard Hours, lui aussi Directeur Général Délégué et autre bras droit de Franck Riboud. La rumeur les place d’ailleurs déjà en concurrence pour prendre sa succession. Or, si Bernard Hours est un “homme de l’ombre” qui préfère rester loin du feu des projecteurs, Emmanuel Faber, lui, adopte dès lors une fine stratégie de leader éclairé.

Bien qu’il se livre rarement à la presse, petit à petit son nom côtoie, voire remplace, celui de Franck Riboud dans les articles mentionnant la Sicav Danone Communities et il devient progressivement l’une des figures de proue du Social Business en France. Multipliant peu à peu les interventions publiques, il édite également en 2012 son second livre, Chemin de Traverse, dans lequel il partage le parcours spirituel et philosophique qui l’a justement amené à développer une branche Social Business au sein de la multinationale alimentaire.

En 2014, c’est donc finalement bien à lui que Franck Riboud cède son siège de Directeur Général de Danone. Convaincu par sa personnalité résolument engagée, il voit en lui le parfait héritier de la vision transmise par son père. Son portrait est alors affiché dans tous les grands titres de presse économique nationaux. Si certains lui reprochent un caractère austère en raison de sa rigueur et de son attachement aux valeurs chrétiennes, il est unanimement décrit comme un homme d’affaires atypique, dont on souligne avant tout la vision sociale et solidaire de l’entreprise.

En 2016, il prononce devant les nouveaux diplômés d’HEC un discours éloquent en faveur de la justice sociale, dans la droite lignée de celui prononcé par Antoine Riboud 44 ans auparavant. Relayé dans la presse et sur les réseaux sociaux, celui-ci devient rapidement viral et assoit sa notoriété auprès du grand public. 

Discours de Emmanuel Faber à la cérémonie de Remise des Diplômes de HEC en juin 2016

Enfin, le 1er décembre 2017, alors que Franck Riboud se retire définitivement, Emmanuel Faber devient PDG du groupe leader mondial de l’industrie agro-alimentaire. Et ce “moine-soldat”, comme le surnomme son prédécesseur, maintenant en toute première ligne, a bien des combats à mener. Économiquement d’abord, puisque l’année se termine avec une croissance molle qui amène avec elle des rumeurs de rachat voire de démantèlement du groupe, mais aussi sur le plan de la réputation de la marque, mise à mal par les scandales notamment sanitaires qui provoquent des appels au boycott et souffrant toujours de son image de grosse machine capitaliste.

One Planet. One Health. One Leader.

2017 est définitivement l’année où Danone fait peau neuve. Nouveau PDG, nouvelle stratégie, nouveau logo mais aussi nouvelle signature : “One Planet. One Health.” Une toute première signature pour le groupe qui “reflète sa vision selon laquelle la santé des hommes est indissociable de celle de la planète. C’est un appel à tous les consommateurs et aux acteurs du secteur à rejoindre la révolution de l’alimentation, un mouvement visant à favoriser des habitudes de consommation plus saines et plus durables”, selon le site officiel.

Une avancée donc sur la mission définie vingt ans auparavant par Franck Riboud, qui précise les engagements premiers du groupe et qui ancre désormais clairement non-seulement la santé des hommes mais aussi la préservation de l’environnement dans la raison d’être de l’entreprise. Le message se veut universel, formulé en anglais, pour fédérer autour d’une cause commune : rendre le monde meilleur à travers une alimentation plus responsable.

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Mais reste à résoudre ce problème d’image d’industriel véreux dont souffre toujours l’entreprise. Une image notamment renforcée par l’arrivée au gouvernement de Muriel Pénicaud (accablée pour avoir levé 1,13 million d’euros de stock-options en 2013 alors que le cours Danone était dopé par un plan social qu’elle avait elle-même mené), Ministre du Travail en 2017, et d’Emmanuelle Wargon en 2018, nommée Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de la Transition Écologique et Solidaire. Respectivement ancienne Directrice des Ressources Humaines et ancienne Directrice de la Communication du groupe, les deux femmes sont désormais ultra-médiatisées. Conséquence quasi-inévitable : les vieilles casseroles ressortent et cette relation entre gouvernement et grand groupe industriel fait l’objet d’attaques régulières de la part de l’opposition.

Sur ces sujets, les réactions d’Emmanuel Faber sont rares. Si le paradoxe apparent entre sa position de dirigeant d’une multinational et ses valeurs humanistes intrigue et alimente encore aujourd’hui régulièrement les médias, il se confie d’ailleurs très peu aux journalistes. Peu friand des interviews, le PDG de Danone a choisi un autre canal de communication, plus direct, plus en phase avec les enjeux et les valeurs du groupe : le Leader Advocacy et les réseaux sociaux.

Inscrit sur Twitter et actif sur LinkedIn depuis 2017, quelques mois avant sa nomination en tant que président, il conserve depuis 2018 une place dans le peloton de tête du Top 100 des Leaders Connectés publié par l’agence Angie. Sur Twitter, son taux d’engagement est environ 15 fois supérieur à la moyenne des comptes possédant des communautés de taille similaire. Avec une moyenne de un tweet tous les deux jours et une publication sur LinkedIn tous les 5 jours en 2019, il fait aujourd’hui partie des dirigeants du CAC40 les plus actifs et les plus influents sur les réseaux sociaux. 

Dès son tout premier tweet, le message est clair : la communication du président sera parfaitement alignée avec celle de son entreprise. Il s’en fait d’ailleurs la première caisse de résonnance en utilisant le hashtag #OnePlanetOneHealth dans 42% de ses posts et en mentionnant ou en re-partageant les comptes corporates du groupe dans 43% d’entre eux. Il s’exprime d’ailleurs lui aussi majoritairement en anglais (71%) pour toucher toutes les parties prenantes à travers le monde.

Mais si Antoine puis Franck Riboud avant lui se sont volontier prêtés au rôle de porte-parole des engagements sociétaux de leur entreprise, Emmanuel Faber lui va plus loin : il les incarne. A la réputation de grosse machine animée par le profit, il oppose une communication humanisée motivée par la poursuite d’un monde meilleur.

S’il relaie régulièrement les contenus de la communication institutionnelle, il ne cesse de rappeler subtilement que derrière le logo se cachent avant tout des équipes qu’il félicite et remercie à chaque succès du groupe. Mieux encore, sur certaines publications, c’est même la marque qui disparaît derrière les collaborateurs, à peine mentionnée ou évoquée par un simple logo appliqué au visuel :

Loin de l’image du grand patron dans sa tour d’ivoire, il n’hésite d’ailleurs pas à se montrer proche des collaborateurs et à se mettre en scène à leurs côtés dans des moments de partage et de convivialité :

Il faut dire que sur les réseaux sociaux, Emmanuel Faber fait un beau pied de nez aux rumeurs le décrivant comme un homme “froid, angoissé et dénué de cerveau émotionnel” (Sophie Lecluse dans Capital, Emmanuel Faber, le nouveau patron de Danone est-il un faux gentil ?, décembre 2017) en offrant l’image d’un dirigeant humble, chaleureux et accessible.

Pour cela, il partage des instants de vie personnelle et de détente, notamment liés à sa passion de l’escalade. Une passion sportive qui se pratique en plein air, parfaitement cohérente avec les engagements du groupe envers la santé et l’environnement, qui lui permet de s’éloigner ponctuellement des discours institutionnels sans perdre de vue les messages de la marque.

Si il relaie bien évidemment ses prises de paroles lors d’événements réels, il s’adresse aussi directement aux internautes dans des vidéos créées spécifiquement pour les réseaux sociaux. Vêtu de manière simple, rarement encravaté, souriant et toujours face caméra, il s’exprime sur les initiatives de Danone et appelle régulièrement les consommateurs à s’engager à leur tour. Des prises de parole qui se déclinent aussi sur les comptes corporates du groupe.

Il répond aussi parfois directement à leurs interrogations, comme en septembre 2018, lors d’une session de questions-réponses animée par le hashtag #AskEmmanuelFaber qui a amené plus de 1200 internautes à l’interpeller directement. Sur un ton plus léger, il n’hésite pas non plus à emprunter aux codes du divertissement, en participant par exemple à des challenges.

A travers cette communication décontractée mais toujours parfaitement contrôlée, Emmanuel Faber se présente comme un homme simple, altruiste et ouvert, très éloigné du cliché du grand patron vénal et déconnecté de la réalité hors des murs de son entreprise. Il apporte ainsi une grande dose d’authenticité aux discours RSE du groupe qui constituent sa ligne éditoriale, particulièrement lorsqu’il s’éloigne justement du vocabulaire corporate.

Loin d’être effrayé par la première personne du singulier, il se porte personnellement garant des engagements du groupe en se les appropriant dans des publications où la marque n’apparaît qu’en filigrane.

Faber Down to Earth

Si Danone a toujours eu à sa tête des dirigeants engagés en faveur de la justice sociale et environnementale, les discours prononcés face à leurs pairs ou par l’intermédiaire des médias traditionnels n’étaient encore jamais parvenu à amenuiser l’image de grosse machine au service du profit dont souffrent généralement les grands groupes. 

Or en développant son influence personnelle et en incarnant les valeurs et la culture historique du groupe sur les réseaux sociaux, Emmanuel Faber a réussi ce qu’aucun Riboud ni aucune communication institutionnelle n’avait réellement réalisé avant lui : rendre la RSE de Danone crédible au-delà des cercles professionnels, jusque dans la perception de la marque par les consommateurs.

Depuis son arrivée à la présidence du groupe, parmi les tweets évoquant la relation entre Danone et les différentes thématiques sociétales, la proportion de publications saluant la marque pour ses engagements a tout simplement doublé par rapport à ce que l’on pouvait lire avant 2014, passant de 25 à 50%. Quant aux posts qui décrient la véracité de ces engagements, ils ne constituent plus que 16% de l’échantillon (contre 45% entre 2010 et 2013).

Mieux encore, parmi tous les tweets saluant les actions sociétales du groupe et de son président, 68% citent Danone comme exemple et acteur de la transformation positive des entreprises en France.

S’il est difficile de définir précisément la part de responsabilité du PDG dans cette évolution, certains indices nous permettent tout de même d’affirmer que sa communication humble et authentique a joué un rôle décisif : 44% des tweets positifs le mentionnent directement alors que son prédécesseur n’y était auparavant que très ponctuellement nommé.

De plus, si le compte Twitter Danone Down to Earth n’a pas été fermé, il reste néanmoins inactif depuis février 2018, seulement six mois après l’arrivée d’Emmanuel Faber sur les réseaux sociaux. Preuve probable que les discours de l’homme ont une influence bien plus forte que ceux du logo.


Bonus : Emmanuel Faber s’exprime sur son utilisation de Twitter dans #ParolesDeCEO

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